La crise de la COVID-19 a créé une situation sans précédent et relancé le débat sur la mondialisation.
Alors que plusieurs gouvernements envisagent de rapatrier certaines activités de production de la Chine vers l’Occident, la pandémie a suscité une profonde réflexion chez les citoyens quant à leurs manières de consommer, de voyager et de vivre en société. Dans les pays occidentaux, tous ont pu voir l’ampleur des problèmes d’approvisionnement et la grande dépendance aux produits étrangers. De plus, l’enjeu écologique, mis en relief par les effets bénéfiques du ralentissement de l’économie mondiale, s’est révélé indissociable du grand retour des proximités.
Outre l’accessibilité, l’un des plus grands freins à l’expansion de l’achat local a toujours été le prix des produits, souvent de 15 % à 20 % plus élevé que ceux en provenance de la Chine. Il semble désormais qu’une majorité de consommateurs soient prêts à payer plus cher pour se procurer un produit de fabrication locale. Ils veulent encourager les entreprises et les producteurs locaux afin de les aider à passer à travers la crise.
La fierté d’acheter un produit local est aussi une grande source de motivation. Par exemple, certaines PME ont participé à l’effort collectif pour combattre le coronavirus. Masques, blouses de protection médicale, gel antibactérien pour les mains, visières et respirateurs artificiels figurent parmi l’arsenal produit dans l’urgence de la pandémie au Québec.
Cette motivation traduit également une profonde quête de sens, d’authenticité. Contrairement à un produit industriel fabriqué en série à l’autre bout de monde et qui a franchi un long parcours avant d’arriver jusqu’à nous, un produit local possède une âme. Il porte en lui l’histoire de son fabriquant, de son terroir, de sa localité, de sa région. C’est ce supplément d’âme que les consommateurs recherchent.
Le local est le signe d’un lien favorable avec autrui. Dans les grandes cités, le mouvement émerge avec force, alors que les habitants multiplient les initiatives pour encourager les marchands et les commerces de quartier. Ces projets sont d’une importance cruciale étant donné que l’économie des villes dépend largement des touristes. À la moindre crise, elle se meurt de leur absence. Il faudra repenser le modèle de création des villes autour de la solidarité, de la communauté, des solutions de proximité et des réseaux.
Ce parti pris pour l’achat local est à mettre en parallèle avec un vaste mouvement appelé le « glocal », contraction des mots global et local. Ses adeptes s’inscrivent dans une perspective planétaire, mais ils agissent localement, entre autres en achetant des produits locaux. De plus en plus de citoyens du monde aspirent aujourd’hui à une consommation et à des modes de vie durables et responsables.
La crise sanitaire sera-t-elle suffisante pour modifier nos comportements individuels ? Une fois ce triste épisode de l’histoire de l’humanité passé, serons-nous tentés de revenir à nos vieilles habitudes… ? Autrement dit, l’achat local est-il une tendance durable ? Pour Jacques Nantel, professeur émérite à HEC Montréal, ce mouvement qui était déjà amorcé avant la pandémie, notamment dans l’industrie du meuble et celle du textile, s’accentuera, mais à une condition : les produits devront avoir un avantage comparatif s’ils coûtent plus chers. « Il faudra qu’on soit local ET performant. » 1
Déjà, on ressent une volonté de vivre différemment dans l’après-COVID-19. Par exemple, nous prêtons plus attention à ce qui devrait être consommé davantage ou avec plus de parcimonie. Avec le confinement, c’est le grand retour inattendu de la cuisine faite maison ! L’indépendance alimentaire est à notre portée si nous optons pour des produits de saison et la culture en serre. En revanche, un changement des réglementations s’impose face aux géants de l’industrie agroalimentaire. Et ce sera à nos gouvernements d’agir.
En attendant, essayons collectivement de préserver de meilleures habitudes de vie… Penser localement s’inscrit dans ce registre.
1https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1699783/coronavirus-crise-economie-delocalisation-agriculture